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Orléans : le jeu qui roule des mécaniques !

Orléans a tout du stéréotype du jeu allemand : un beau bébé avec plus de 2 kg de matos lorsqu’on ajoute le fan-kit, des plateaux dans tous les sens, un design pastel des années 90 qui vaudrait à Orléans un prix du jeu le plus vilain aux côtés des Châteaux de Bourgogne et Santa Maria et surtout, plein de cubes en bois ! En bref, le savoir-faire allemand a encore frappé en donnant naissance à un brain-killer qui saura vous donner du fil à retordre. Le jeu est annoncé en 90 minutes, durée largement sous-estimée puisqu’Orléans a systématiquement été joué en plus de 2 heures (à deux joueurs) pour atteindre jusqu’à 4 heures (à quatre joueurs).

Son auteur, Reiner Stockhausen, vous plonge dans le Centre Val de Loire du 17 ème siècle où on vous propose de rassembler une équipe de commerçants, bateliers, chevaliers, moines et nobles pour dominer cette contrée de la France médiévale …

 

… voilà voilà, je suis un peu court pour vous décrire plus en détails la thématique. Mais c’est parce que l’auteur et son éditeur se sont assis à deux fesses sur l’univers et ses illustrations pour concentrer tous leurs efforts sur ce que nous, platoïstes et intégristes du jeu de stratégie, aimons à manipuler le vendredi soir jusqu’à des heures tardives : la mécanique de jeu. Orléans est au jeu de stratégie ce que Longines est à la montre suisse, avec néanmoins quelques petits défauts mais c’est ce qui fait tout son charme, et nous allons vous en reparler.

Un concept innovant : le bag-building

Les deck-buildings sont à l’honneur depuis une dizaine d’années, que les auteurs en fassent une mécanique de jeu centrale (Dominion – 2008, Ascension – 2010) ou qu’ils l’utilisent comme une mécanique annexe qui s’inscrit dans un concept plus englobant  (voir l’excellent Great Western Trail – 2017). Mais Orléans propose un concept nouveau qui se distingue de ses semblables en combinant une mécanique classique de placement de meeples (appelés partisans) et de deck-building. En effet, Orléans vous permet tout au long de la partie d’acquérir plusieurs catégories de partisans (qui ne sont donc pas substituables entre eux) qui formeront une réserve dans un sac opaque. Au début de chacun des 18 tours, vous aurez la possibilité de piocher  dans le sac une partie de ces partisans qu’il vous faudra combiner, dans un second temps, pour réaliser des actions et acquérir de nouveaux partisans…

La subtilité, comme tout jeu de deck-building qui se respecte, consiste en une gestion intelligente de sa réserve de partisans afin d’éviter une pénurie de certaines catégories indispensables dans votre stratégie ou, à l’inverse, d’avoir un sac déséquilibré qui n’en privilégie qu’un seul type.

Le jeu se joue classiquement en deux phases : une phase de développement et une phase de marquage de points de victoire.

Une première phase de jeu : optimiser vos combinaisons de jeu

Calculateurs méticuleux et férus d’optimisation de combinaisons de jeu, vous allez pouvoir vous faire plaisir ! Pour réussir à percer dans Orléans, il faut rapidement être en mesure d’avoir de la puissance de frappe pour prendre l’avantage sur vos adversaires. Pour cela, il vous faudra  :

  • Améliorer vos actions disponibles (en y plaçant des jetons “technologie” qui permettent d’en réduire le coût) : attention à bien choisir lesquelles car votre stratégie de la deuxième phase de jeu en dépend.
  • Augmenter votre nombre de partisans disponibles à chaque tour, en progressant sur la piste chevaliers.
  • Acquérir de nouvelles actions “spéciales” pour vous permettre de marquer des points de victoire en phase 2.
  • Conserver malgré tout un sac de partisans équilibré.

Oui, jouer à Orléans c’est penser à tout ça à la fois ! Un faux pas lors de cette première phase de jeu peut être décisif sur la fin de partie : on vous aura prévenu.

Une deuxième phase de jeu : scorer !

Les 6 à 8 derniers tours de la partie consistent à marquer un maximum de points (sans blague…) et pour cela, Orléans vous réserve quelques surprises. Il existe quatre manières de marquer des points :

  • L’exploration : lorsque vous voyagez d’une ville à une autre sur la carte centrale, vous collectez des ressources convertibles en points de victoire en fin de partie,
  • L’opportunisme : les événements et actions spéciales vous permettront de gagner de l’or tout au long de la partie. A l’inverse, un manque d’or vous oblige à subir la “torture” et implique un sacrifice d’éléments essentiels (comptoirs, ressources, actions spéciales, partisans etc.),
  • La vitesse : vous pourrez acquérir des nobles en avançant plus vite que vos adversaires sur certaines pistes de progression,
  • Le développement : il est possible de construire un comptoir dans chaque ville dans laquelle vous résidez.

Les deux dernières manières de marquer des points de victoires sont pondérées par votre progression sur une piste de développement de telle sorte que PV = points de développement x (nombre de nobles + nombre de comptoirs). Il est donc très difficile de gagner à Orléans en privilégiant une stratégie unique dans la mesure où le mode de calcul de points vous oblige à augmenter a minima votre piste de développement pour scorer sur les nobles ou les comptoirs. Néanmoins, la richesse de possibilités pour marquer des points de victoire inscrit Orléans parmi ces grands jeux de stratégie où chaque décision mérite une mûre réflexion pour vous mener à la gagne.

 

Un plateau de jeu en deux parties : la partie gauche avec les pistes d’avancement et la partie droite avec la carte

 

Intrigue : l’extension indispensable

Ma première partie d’Orléans (avec l’extension Intrigue) est une des mes plus belles expériences de jeu de l’année 2017. J’ai par la suite eu la chance de me faire offrir le jeu de base + le fan-kit + l’extension intrigue. Excité à l’idée de refaire une partie, nous avons choisis de tester Orléans sans l’extension Intrigue afin de redécouvrir un jeu de base épuré. Quelle ne fut pas ma déception ! Si les principales mécaniques sont déjà présentes dans le jeu de base, ce dernier s’essouffle dès le 12 ème tour : le jeu devient alors extrêmement répétitif et les 6 derniers tours consistent à grappiller les quelques points restants sur le plateau afin de ne pas se faire distancer par ses adversaires. Par ailleurs, l’Hôtel de Ville est dénué d’intérêt par rapport aux immenses possibilités offertes par la version améliorée de l’extension Intrigue. Enfin, Intrigue vous apporte une nouvelle manière de gagner des points de victoire en cours de partie – les cartes objectifs – en échangeant des ressources dans une ville déterminée afin de doubler leur valeur en points de victoire. Ces cartes objectifs permettent de donner un intérêt aux déplacements sur la carte en début de partie et créent ainsi à la fois une véritable dynamique de jeu tout en permettant l’émergence de stratégies alternatives. Ainsi, et malgré mon encensement pour Orléans dans cette première partie d’article, je trouve que le jeu de base souffre d’un manque réel de dynamisme et de déséquilibres profonds entre les différents moyens de scorer : la stratégie “piste de développement” est trop cheatée ! L’extension Intrigue vient combler ces lacunes tout en apportant une réelle rejouabilité. En effet, elle apporte une diversité de nouveaux évènements (positifs ou négatifs) plus tranchés qui vous amènent à modifier votre stratégie en cours de partie. Un conseil donc : ne jouez pas au jeu de base et sautez directement le pas vers l’extension.

 

En pleine partie à la BàC

Conclusion

Les + :

  • Une superbe mécanique de jeu pour les intégristes du jeu de stratégie
  • Un matériel impeccable, surtout avec l’acquisition du fan-kit
  • Un jeu plutôt facile d’accès avec des règles simples
  • Les parties sont fluides (peu de phases d’attente)
  • Grande rejouabilité
  • Bien équilibré
Les – :

  • Un univers inexistant
  • Un jeu de base sans réel intérêt si joué sans l’extension Intrigue

Une réflexion sur “Orléans : le jeu qui roule des mécaniques !

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