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Aeon’s end, Apocalypse now

♫♫♫
This is the end
Beautiful friend
This is the end
My only friend
The end … ♫♫♫ (1)

La fin du monde a eu lieu. Voilà, ça, c’est fait. Un souci en moins.
Des brèches se sont ouvertes sur le monde connu. Une Némésis en a profité pour les franchir et débarquer avec une cohorte de serviteurs. Du coup toute la terre des Hommes est occupée par des créatures franchement hostiles. Toute ? Non ! Car une cité peuplée d’irréductibles survivants résiste encore et toujours à l’envahisseur.

Aeon’s end vous propose d’être un (ou une) de ces irréductibles et de défendre Gravehold, le dernier refuge de l’humanité, contre les assauts d’une Némésis épaulée par des sbires plus ou moins coriaces. Fort heureusement, les défenseurs ont appris à maîtriser la magie et décidé de faire front commun. Pour vaincre, tous ensemble, les joueurs doivent à grand renfort de sorts soit tuer la Némésis, soit réduire à néant sa capacité de nuisance. De son côté, la Némésis gagne si elle transforme Gravehold en tas de gravillons fumants en lui faisant perdre tous ses points de vie, ou si elle annihile tout espoir de défense en réduisant à zéro les points de vie de tous les mages (les joueurs donc). Ça a le mérite d’être clair : on ne va pas faire dans la demi-mesure.

Le décor étant posé, voyons le jeu un peu plus en détails.

L’union fait la force

Vous l’aurez certainement compris, Aeon’s end est un jeu entièrement coopératif : si les joueurs gagnent, ils ont tous gagné. Si les joueurs perdent, ils ont tous perdu. Voilà. Il n’y en a pas un qui aura un peu moins échoué ou qui sera un peu plus vainqueur que les autres, non !
Jusqu’à 4 mages pourront ainsi unir leurs efforts pour défendre Gravehold. Dit autrement, Aeon’s end réunit de 1 à 4 joueurs. Si vous tentez l’aventure en solitaire, vous aurez le choix de jouer un seul mage ou plusieurs. C’est vous qui voyez !

La mécanique du jeu repose sur du « deckbuilding » : chaque joueur possède un paquet de cartes, qu’il va enrichir au cours de la partie en récupérant des cartes plus puissantes ou plus adaptées à sa stratégie.
Dans Aeon’s end, les cartes sont récupérées dans une zone de jeu : le marché. Ce marché est constitué de 9 piles de cartes, chaque pile contenant plusieurs exemplaires d’une même carte. Comme dans la boîte il y a plus d’une vingtaine de piles différentes, d’une partie à l’autre, on peut varier les plaisirs en modifiant la composition dudit marché.

Les protagonistes

Chaque joueur incarne un des 8 mages présents dans la boîte de base. Chaque mage a ses caractéristiques propres : paquet et main de cartes de départ, capacité spéciale…

Les cartes utilisables par les mages sont de 3 types :

  • les sorts : ils sont la source principale des dégâts qui seront infligés à la Némésis et à ses serviteurs. Les sorts sont lancés par l’intermédiaire de brèches. Selon que la brèche utilisée par le mage est ouverte ou fermée, celui-ci pourra plus ou moins bien contrôler son sort, faire plus de dégâts… En début de partie, chaque mage a 4 brèches devant lui, plus ou moins fermées selon le mage.
  • les gemmes : celles-ci servent essentiellement à fournir de l’aether qui permet de récupérer des cartes du marché, à stabiliser ou ouvrir des brèches et à charger les capacités spéciales des mages.
  • les reliques : elles ont des effets variés (soins, dégâts…).

Faces aux mages se dressent la Némésis et son armée. Il existe 4 Némésis différentes, chacune caractérisée par son nombre de points de vie, des capacités spéciales ainsi que par un paquet de cartes spécifiques. Ces cartes spécifiques s’ajoutent aux cartes communes à toutes les Némésis. L’ensemble de ces cartes représente les troupes de la Némésis, mais également les pouvoirs qu’elle peut lancer. Enfin, certaines cartes servent à déclencher l’attaque spéciale de la Némésis.

Un bon mage a plus d’un tour dans sa manche

Le jeu se déroule en différentes manches durant lesquelles chacun son tour les mages et la Némésis vont agir. La partie s’arrête dès qu’un des deux camps a atteint une de ses conditions de victoire à savoir : vaincre tous les mages ou raser Gravehold pour la Némésis et vaincre la Némésis ou épuiser son armée pour les mages. Avant de détailler le tour de la Némésis, voyons comment se déroule le tour d’un mage.

Tour d’un mage

Le tour d’un mage se déroule en 3 phases : la phase d’incantation durant laquelle les sorts vont fuser, suivie de la phase principale durant laquelle le mage joue des cartes et enfin la phase de pioche durant laquelle le mage va … piocher !

1. Phase incantation

C’est durant la phase d’incantation qu’un mage peut lancer des sorts par l’intermédiaire des brèches. Mais petite contrainte, il faut que lors d’un tour précédent il ait préparé ces sorts en les positionnant sur ses brèches. Lors de la phase d’incantation, les sorts préparés sur des brèches qui ne sont pas encore ouvertes sont obligatoirement lancés. Zou ! Par contre, les sorts sur des brèches ouvertes ne sont lancés que si le mage le décide. En jouant vous verrez que parfois il y a un intérêt stratégique à ne pas lancer ses sorts.
Classiquement lorsqu’un sort est lancé, sa carte est placée de suite dans la défausse.

2. Phase principale

Si tout va bien, lorsque c’est son tour de jouer, un mage a 5 cartes en main. Oui, je dis, si tout va bien car la Némésis a à cœur de faire défausser des cartes. Durant la phase principale, grâce à ses cartes, le mage va pouvoir :

  • Jouer des cartes gemme ou relique, généralement pour acquérir du précieux aether
  • Acheter une carte au marché en échange d’un peu d’aether
  • Gagner des charges pour son pouvoir personnel en dépensant de l’aether. Compter 4 à 6 charges pour que votre pouvoir puisse être lancé
  • Stabiliser ou ouvrir une brèche en dépensant de l’aether
  • Préparer un sort sur une brèche

3. Phase de pioche

Soyez attentif car là, on touche à un élément essentiel du système de jeu. Au tout début de la phase de pioche, le mage conserve en main les cartes qu’il n’a pas jouées. Par contre il place toutes les cartes gemme et relique qu’il a jouées durant son tour sur le dessus de sa pile de défausse dans l’ordre de son choix. Quel intérêt me demanderez-vous. Vous allez voir, c’est très simple. Lors de la phase de pioche, le mage va … piocher des cartes dans sa pioche (original hein !) pour compléter sa main à 5 cartes. Attention, ici aussi soyez attentifs : lorsque la pioche est vide, on prend le paquet de défausse, puis, sans le mélanger, on le retourne pour former la nouvelle pioche. J’insiste : sans le mélanger ! Donc, comme à chaque tour vous avez plus ou moins classé votre défausse, ben du coup, votre nouvelle pioche est elle aussi plus ou moins classée. Oserai-je alors vous conseiller de mettre les cartes qui se combinent l’une à côté de l’autre dans la défausse, histoire que vous ayez de fortes chances de les piocher ensemble lorsque vous referez votre pioche ?
Si on combine ce mécanisme au fait que vous puissiez choisir de conserver des cartes en main d’un tour sur l’autre, on peut dire qu’on a en perspective une belle capacité de maîtrise de son paquet de cartes.

Bref, jusque là, tout va bien. Mais c’est compter sans la Némésis et sa petite armée.

 

 

Tour de la Némésis

Le tour de la Némésis se déroule en 2 phases : une phase principale et une phase de pioche.

Durant la phase principale, on applique les effets des cartes Némésis déjà en jeu. Certaines de ces cartes représentent des serviteurs qui attaquent à chaque tour… enfin, jusqu’à ce que les mages s’en débarrassent de manière plus ou moins pacifique. D’autres cartes représentent les pouvoirs et sorts que la Némésis lance sur les mages et sur Gravehold. Élément de jeu intéressant, parfois ces sorts demandent un temps d’invocation. Les mages ont alors la possibilité pendant quelques tours soit de faire échouer le sort, soit de se préparer à en prendre plein la figure.

La seconde phase du tour de la Némésis est la phase de pioche. Comme on pourrait s’en douter, durant cette phase, on … pioche une carte du paquet Némésis. Et ensuite on applique ses effets. Au menu, nous avons au choix : apparition d’un nouveau serviteur, lancement d’un sort, attaque directe de la Némésis… Bien entendu parfois, nous avons une petite combinaisons de plusieurs de ces effets : la Némésis inspirée par l’apparition d’un nouveau serviteur en profite pour lancer une petite attaque ! Paf, c’est cadeau.

Je ne détaille pas les sorts et attaques, mais attendez-vous à plein de joyeusetés telles que pertes de charges sur vos pouvoirs, défausse de cartes, pertes de points de vie…

Hop, puisqu’on parle de points de vie, j’en profite pour vous rassurer tout de suite : quand un mage n’a plus de point de vie, il n’arrête pas pour autant de jouer. Non, il continue bravement de défendre Gravehold, mais comme il est salement amoché, non seulement il ne peut plus regagner de point de vie, mais en plus, désormais les dégâts qui devraient lui être infligés sont doublés et infligés directement à Gravehold. Il faut reconnaître que la Némésis est fair-play : elle ne frappe pas un mage à terre.

L’ordre et le chaos

L’ordre dans lequel chaque mage et la Némésis vont jouer est déterminé par des cartes. Ainsi, à 4 joueurs, il y a une carte par mage et 2 cartes pour la Némésis. A chaque début de manche, on mélange allègrement toutes ces cartes, on forme une jolie pile puis on révèle celle du dessus : c’est au mage concerné par la carte de jouer… ou à la Némésis ! Une fois que le mage (ou la Némé… bref, vous avez compris) a fini son tour, sa carte est défaussée. On pioche une nouvelle carte qui détermine qui va jouer ensuite. C’est un système tout simple qui parfois ce révèle bien stressant car l’ordre des tours ne s’enchaîne pas toujours comme ça nous arrange. Il n’est pas rare que la Némésis joue 2 fois d’affilée (oui puisqu’il y a 2 cartes pour la Némésis !). Bon, si vraiment le sort s’acharne, la Némésis joue 4 fois d’affilée, mais là, c’est que vous avez un mauvais karma.
Une fois que tous les protagonistes ont joué, on remélange les cartes et c’est reparti pour une nouvelle manche.

Difficulté à la carte

Il y a plusieurs moyens pour ajuster la difficulté du jeu à votre convenance.

  • Toutes les Némésis n’ont pas la même puissance : certaines sont plus faciles à battre que d’autres. Sur la fiche individuelle indiquant les pouvoirs, points de vie, etc, de chaque Némésis, un nombre indique le niveau de puissance.
  • Le jeu prévoit aussi 4 degrés de difficulté croissante : débutant, normal, expert et extinction. Selon la difficulté choisie, les mages, Gravehold et la Némésis débutent avec plus ou moins de points de vie. Au-delà du mode « normal », les pouvoirs spécifiques de chaque Némésis sont plus puissants.
  • Les cartes Némésis se répartissent selon 3 niveaux de puissance. Lors de la construction du paquet de cartes Némésis, les cartes sont classées selon ces 3 niveaux de façon à ce que la puissance des attaques de la Némésis et de son armée aille crescendo. Ce système permet d’éviter de débuter la partie en affrontant un sbire ingérable tout en assurant une fin de partie tendue. Libre à vous de compliquer un peu le démarrage du jeu en glissant des cartes d’un niveau élevé parmi les cartes faibles.

Mieux vaut réfléchir avant d’agir

A chaque tour, Aeon’s end propose quantité d’arbitrages intéressants : va-t-on dépenser son aether pour recharger le pouvoir de son mage, pour ouvrir une brèche ou plutôt pour acquérir une carte au marché ? Le marché propose 9 cartes différentes ; laquelle acquérir à quel moment ? Vaut-il mieux 2 cartes de puissances moyennes pas trop chères ou une seule carte certes onéreuse mais bien forte ?
Lors du lancement des sorts, quelle cible choisir ? La Némésis, ou un serviteur ?

Conclusion qui n’engage que moi

J’ai largement développé le thème et la mécanique, je ne vais donc pas m’étendre à nouveau dessus. Disons simplement que Aeon’s end propose un bon jeu de deckbuilding enrichi de quelques touches d’originalité bienvenues (main de départ fixée, classement des cartes dans sa défausse…) sans que les règles ne soient trop complexes.

J’ai particulièrement apprécié le soin particuliers apporté au matériel : séparateurs de cartes pour faciliter la mise en place, cartes spéciales pour faciliter la formation aléatoire du marché … Les cartes sont mêmes triées et séparées pour faciliter la mise en place d’une première partie !
Concernant les illustrations, là, on entre dans le domaine du subjectif. Moi, elles me plaisent. Déjà parce que j’aime bien les dessins, mais aussi pour qu’on retrouve les personnages des joueurs en action sur certains sorts. Mais bon, ceci dit, à vous de voir hein, chacun ses goûts !

Au niveau des sensations de jeu, on sent bien l’agréable montée en puissance de son paquet de cartes, et donc ici de ses sorts, montée en puissance qui permet de venir à bout des ennemis … qui eux non plus n’oublient pas de devenir de plus en plus forts au fil de la partie. Mais au-delà de la joie de construire et déclencher des combos bien léchées, j’apprécie dans Aeon’s end la complémentarité et l’interactivité entre les joueurs. En effet, de nombreuses cartes et pouvoirs permettent d’agir sur les autres mages, ce qui fait que chacun a son rôle à jouer dans la défense de Gravehold, que ce soit celui qui va faire de gros dégâts, celui qui va accélérer la recharge des pouvoirs des mages, celui qui va soigner…

Aeon’s end est un jeu de Kevin Riley
Les illustrations sont de Gong Studios
Il est édité par Matagot
Il est prévu pour 1 à 4 joueurs
Il est recommandé à partir de 14 ans
La durée moyenne d’un partie est de 60 minutes (enfin, en théorie !)

 

Les images sont © Matagot.

(1) : Extrait de The end chanson de The Doors

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