Gravir l’Everest martien
C’est avec une certaine fébrilité, voire une fébrilité certaine, que j’ai ôté le cellophane qui entourait la boite d’On Mars.
Depuis plusieurs semaines la pression montait, au grès des premiers retours de joueurs anglophones, qui commençaient à le qualifier de « plus dur des Lacerda ».
Lacerda c’est le James Joyce du jeu de plateau, le Pierre Soulages du meeple, le Bartok de la gestion de ressources, le Heidegger du design ludique, le Edward Witten de la physique du cube en bois…bref un type pas facile d’accès.
Alors penser qu’On Mars serait son jeu le plus complexe m’a mis dans un état pas possible, je me suis sentie dans la peau de Junko Tabei juste avant son ascension de l’Everest.
Le mieux quand on a les chocottes c’est encore de les avoir à plusieurs. J’ai donc poussé mon hululement ( oui j’ hulule parfois et alors ?) chimérique de désespoir et un congénère de ma meute associative à répondu courageusement à l’appel.
Haha ! A nous deux gigantesque boite magnifiquement illustrée par Mister O’Toole ! Tu fais moins la maligne face à notre équipe de choc, tu te dépunches plus vite que l’éclair !
Bon…par contre la règle de 24 pages n’a pas du tout eu l’air impressionnée, elle est restée telle quelle : aérée, bien structurée, pleine d’exemples et d’illustrations. Elle nous a pris par la main et on s’est retrouvés devant cette surface martienne, entourés de plans à réaliser, cernés de scientifiques prêts à travailler pour rendre habitable cet univers hostile.
Nous n’étions que deux braves à nous lancer dans l’aventure (et nous ne fûmes pas mille à l’arrivée) mais nous aurions pu être 3 ou 4, chacun d’entre nous mettra alors environ une heure pour y parvenir.
Sur Mars on n’est pas des joyeux drilles sympathiques, eh non. On n’est pas là pour se faire des copains. Pourtant on va avoir besoin les uns des autres car les avancées technologiques des uns peuvent profiter à tous.
Cette sous-couche de coopération est d’ailleurs bien agréable ; on est parfois tiraillé entre l’envie de profiter de l’avancée d’un.e autre et la nécessité de ne pas trop l’avantager. Car plus on utilise les technologies de quelqu’un plus il progresse dans celles-ci.
Sur Mars on va parfois souffler à l’autre cet emplacement tant convoité pour agrandir ce complexe d’oxygène, on en profitera alors pour faire retentir notre rire diabolique, évidemment!
Sur Mars on va souvent se dire (dans sa tête si on veut un jour être réinvité)
« Si je fais ça en 1 alors je dois faire ça en 2 après sans oublier d’aller faire ça en 3 puisque ça me débloque cette action en 4 qui me donnera 12 points si j’ai bien pensé à faire ça en 1…euh c’était quoi déjà en 1 ? »
Sur Mars on va parfois dire aux autres, l’air goguenard « Non, moi je reste sur Mars, partez en orbite sans moi. J’ai trop de choses à faire en surface ». Tout le monde vous regardera alors, essayant de deviner vos plans machiavéliques et brillants.
Deux tours plus tard vous penserez que vous auriez dû remonter en orbite, il vous manque cette action et elle est… en orbite. Mais vous ferez face bravement, affichant votre plus belle « poker face » quand apparaîtra subitement une solution pour mettre vos plans à exécution.
Sur Mars on temporise, on s’adapte, on se surveille, on profite des autres, on combote, on voit pas le temps passer et on finit épuisé mais satisfait !
Photos issues de Board Game Geek et Kickstarter : On Mars